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Pourquoi dessines-tu ?

Vous le savez sûrement si vous suivez mon profil Facebook ou Instagram, ou vous l’apprenez peut-être à l’instant, mais une de mes grandes passions, c’est le dessin.


Depuis 4 ans, à présent, cette pratique s’exprime plus particulièrement dans le Zentangle ou dans l’Art inspiré du Zentangle (ZIA).


Mais en soi, j’ai toujours dessiné : depuis que je suis haute comme trois pommes, j’ai toujours chipé tous les crayons qui passaient près de mes doigts pour gribouiller sur tout support papier mis à ma disposition. Je n’avais aucun talent particulier et mes parents se gardaient bien d’encourager ce penchant naturel en me faisant le minimum de compliments politiquement corrects (dans ma famille, on était priés d’être brillants à l’école et de devenir des cerveaux hautement intellectuels sur pattes, les artistes étant plutôt proscrits).


Qu’à cela ne tienne, je remplissais obstinément et passionnément d’innombrables cahiers de dessin de toutes sortes. Car le dessin, pour moi, c’était le plaisir de sentir le crayon ou le feutre glisser sur le papier, le son doux et crissant, réconfortant et familier qui l’accompagnait, parfois tonique et saccadé, parfois timide et tellement discret. C’était l’odeur du papier, du carton, du pastel gras ou des feutres. C’était la texture soyeuse du papier, sa transparence, le rugueux des supports plus épais. C’était la joie de voir la couleur fuser, les formes apparaitre, au fur et à mesure qu’une histoire se construisait. Personne d’autre ne la connaitrait et sans doute l’oublierai-je moi-même à peine achevée. Ce n’était pas l’important, pas plus que le résultat final, la beauté de l’ensemble ou ce qu’on pourrait bien en penser. C’était juste la joie de créer.


Mais c’était aussi un moyen de respirer. Un moyen d’exister. Un moyen de résister.


A l’époque, je ne trouvais pas ma place dans ma famille, pas plus qu’à l’école. J’étais une enfant très discrète et très solitaire. Je me sentais en décalage et je ne comprenais pas pourquoi j’étais là ni ce qu’on attendait de moi. C’était difficile à vivre et parfois, toute gamine, j’étouffais de solitude et d’angoisses. Le dessin m’aidait : il me permettait de survivre, de trouver de la joie, il me permettait de m’évader et de me construire en dehors du regard parfois tellement dur des adultes qui m’entouraient.


Tout mon être se projetait dans ces quelques traits : mes pensées étaient absorbées, ma respiration se posait, mon cœur s’apaisait et je ressentais invariablement le contentement, la plénitude de faire quelque chose qui me plaisait vraiment.


Aujourd’hui, avec le recul et mes formations, je comprends que toute petite, j’avais trouvé un accès à une forme de méditation qui me permettait de canaliser le flot de mes émotions tellement intenses à l’époque.

Le fait de me concentrer sur mes dessins me permettait d’endiguer les surplus d’angoisses et de retrouver, sinon l’équilibre, au moins un minimum de stabilité.


J’ai grandi et les tourments de mon début de vie l’ont fait également. Jusqu’à la vingtaine, ma vie familiale a été challengeante, va-t-on dire (cela m’a mené vers un long parcours thérapeutique par la suite pour guérir cette collection de blessures).

Le dessin a disparu vers 9 ans, à la mort de mon père, lorsque le regard des autres et les attentes de feu mon père, ont finalement plus pesé que mon envie de dessiner.


Mais je n’ai pas su tourner le dos à mon ADN très longtemps : à 13 ans, j’ai ressenti une irrépressible envie de dessiner une rose photographiée en noir et blanc, et le virus a repris de plus belle, comme s’il fallait rattraper ces 4 années d’abstinence. C’était comme si mon cœur voulait battre toutes ces minutes où je n’avais plus dessiné. Toute mon adolescence, j’ai étudié comme une enragée et j’ai dessiné la moindre minute de temps libre. Et pour qu’on me laisse faire, j’ai décidé d’exceller, de basculer dans le photoréalisme, dans le portrait. Un dessin me prenait parfois des centaines d’heures. Et chacune d’elles étaient comme un cadeau que je m’offrais, un espace dans lequel je m’évadais. Je pouvais ouvrir mes ailes, oublier, exprimer mes émotions, mes peurs, mes espoirs, mes déchirures, mes colères. Tout y passait. Chaque dessin battait au rythme de tout ce qui hurlait en moi.


Le dessin était cathartique. Il m’a réellement permis de tenir toutes ces années où je n’avais d’autre choix que de résister.


Puis est enfin venu le temps de quitter le nid et de devenir adulte.

Le parcours thérapeutique a commencé et avec lui, le dessin s’est effacé… Son absence a duré cette fois à peu près 15 ans ! Le temps de me réparer, le temps de devenir maman, le temps de guérir profondément…

Mais il était toujours là, tapi en moi, comme un manque à qui je ne savais plus donner l’espace nécessaire pour exister.


Et il y a 4 ans, cette rencontre avec le Zentangle, grâce à un atelier en ligne auquel j’ai participé avec ma fille. Ce fut le coup de foudre pour la technique : créer sans but, juste pour le plaisir, pour se relaxer, pour exprimer ses émotions, sans attente, sans jugement mais avec des potentiels de création infinis.

Depuis, le dessin s’est réinstallé dans ma vie, cette fois, non plus pour résister mais pour explorer les ressentis, les envies, pour m’apaiser ou pour remercier, pour célébrer. Lorsque je dessine, souvent, j’écoute la musique qui parle à mon cœur à ce moment-là (Connaissez-vous Ludovico Einaudi, Johannes Bornlöf, Gavin Luke, Olafur Arnalds, Niklas Paschburg, Fiona Joy Hawkins ? Ce sont certains de mes compagnons préférés pour dessiner) et je laisse mes doigts s’exprimer.

Il arrive régulièrement que je ressente un apaisement profond, une conscience aigüe d’exister dans une dimension bien plus large que ce que mon corps est en train d’expérimenter : dans ces moments, mon cœur lui-même semble s’expanser. Je ressens alors une sérénité incroyable, un amour tellement vaste pour toute chose, une communion avec quelque chose qui me dépasse mais qui me confirme que où que je sois, je serai à ma place…


Que ce soit pour m’apaiser ou m’amuser, pour calmer mon mental ou déposer une émotion et la sublimer, que ce soit pour accueillir une ombre ou pour profiter simplement d’un moment hors du temps, pour expérimenter en étant pleinement consciente de mon corps : c’est pour tout cela que je dessine.


Ce n’est pas un passe-temps, c’est l’empreinte de mon temps dans cette vie… Des centaines de petits dessins comme des centaines de pages d’un journal intime que seuls ceux dont le cœur est délicat et l’âme poète pourront percevoir les confessions… Pour les autres, ce ne seront que de jolis dessins sans intérêt. Et tout est bien, tout est serein… enfin !



Stéphanie Meurisse – Reconnexion à Soi – août 2023 Reproduction du texte autorisée avec les références.


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